Près 7 millions de Français ont eu recours à une aide alimentaire pour survivre en 2020. Le nouveau rapport annuel du Secours Catholique, publié ce 18 novembre 2021, révèle ainsi un basculement inquiétant dans la précarité à travers le territoire, un an et sept mois après le début de la crise du Coronavirus. Vincent Destival, délégué général du Secours Catholique, revient sur les principaux constats de l’enquête.
«Faim de dignité», du nom de l’enquête menée par le Secours Catholique et publiée en ce mois de novembre, met cette année en lumiére la précarité alimentaire inquiétante dans laquelle vivent plusieurs millions de Français. Si la crise sanitaire n’aurait pas provoqué de nouvelles formes de pauvreté, elle a joué comme un accélérateur du basculement de nombreuses personnes dans la pauvreté, révèle le rapport de l’organisation.
Une forte représentation de mères seules avec enfants
«La pauvreté c’est quand des personnes qui sont déjà dans des situations fragiles financièrement ou familialement vivent un choc supplémentaire. Alors, l’équilibre (…) fragile qu’elles avaient réussi à se constituer bascule», explique Vincent Destival, délégué général du Secours Catholique. «Et c’est ce qu’a révélé la crise sanitaire : ces phénomènes arrivent tous les jours en France, mais la pandémie a joué comme un accélérateur de ce basculement dans la pauvreté.»
Parmi les personnes que les bénévoles du Secours Catholique accueillent sur l’ensemble du territoire, l’association note une forte représentation d’hommes célibataires, de personnes exilées récemment arrivées en France, et de femmes seules avec enfants. La présence de ces derniers, notamment, est particulièrement «préoccupante pour l’avenir du pays», selon Vincent Destival. «Car nous savons que lorsque des enfants grandissent dans la pauvreté, on leur construit un avenir compliqué… », déplore-t-il.
Crise sanitaire, levier de basculement dans la pauvreté
Dans le cadre de son enquête, le Secours Catholique a interrogé plusieurs milliers de personnes parmi les plus précaires, afin de comprendre comment elles ont vécu au quotidien l’impact provoqué par la crise du Coronavirus. «Premièrement, les personnes nous disent qu’elles ont perdu des revenus du travail (…) liés à l’arrêt d’emplois précaires tels que des CDD, des missions d’intérim, du travail non déclaré.»
Le coût de la vie, qui a augmenté en un an et demi de crise, a ensuite porté un coup dur aux foyers déjà en situation de précarité financière. «Les familles avec enfants nous disent très majoritairement que lorsque les cantines scolaires se sont arrêtées, nourrir les enfants à la maison est revenu à plus cher. Et aller faire les courses dans le magasin de proximité a été également plus onéreux que de se rendre dans de grandes surfaces.» La crise sanitaire a en conséquence poussé de nombreuses personnes qui n’avaient pas l’habitude de le faire à solliciter de l’aide alimentaire auprès du tissu associatif.
Une quart des 7 millions de Français se prive de manger quotidiennement
Le nombre de personnes qui sollicite l’aide alimentaire a ainsi triplé au cours des dix dernières années, annonce le rapport du Secours Catholique. Près de 7 millions de personnes (soit 10% de la population) ont aujourd’hui besoin de cette aide pour vivre.
«C’est un chiffre qui nous a beaucoup interpellé. Et ce que l’on a découvert, qui nous a un peu terrifié, c’est que parmi ces personnes, plus d’un quart doit de façon régulière se priver de manger une ou plusieurs journées entières. C’est très violent de se dire qu’en France, pays développé parmi les plus riches du monde, 10% de personnes ont besoin d’aide alimentaire et plus d’un quart doit se priver de manger.»
Des minimas sociaux insuffisants pour vivre
Une étude publiée courant novembre par l’Institut de politiques publiques révèle également qu’au cours des dernières années, en France, l’ensemble des ménages français a vu son pouvoir d’achat progresser, sauf les 5% des ménages les plus pauvres qui, eux, ont vu leur pouvoir d’achat diminuer.
Des chiffres qui, selon Vincent Destival, mettent en exergue le niveau insuffisant des minimats sociaux versés par l’Etat. Ces derniers ne permettent plus aux personnes sans travail de se nourrir de façon «digne et décente aujurd’hui». Une situation qu’il juge inacceptable : «Il n’y a pas de raison qu’en France, les personnes qui ont à peine de quoi survivre soient aussi celles dont on s’occupe le moins. Il n’y a pas de raison que la solidarité de notre pays avec les plus pauvres soit en régression au cours des dernières années.», affirme-t-il.
Le délégué du Secours Catholique évoque les pistes de réflexion envisagées au sein de l’association pour mieux accueillir les personnes en difficulté. «Ces personnes nous disent vouloir accéder à des produits alimentaires dans des lieux ouverts à tous. Ensuite, elles nous disent vouloir choisir leurs produits, et enfin elles veulent participer financièrement» aux denrées alimentaires reçues.», explique-t-il. Les conclusions du rapport du Secours Catholique appellent ainsi toutes les associations «à réfléchir à la manière dont nous agissons et respectons profondément la dignité de chacun».
Vatican News