La Côte d’Ivoire enregistre le 3ème taux le plus élevé de suicide en Afrique avec 23 cas par an, selon une étude de l’Unité de Médecine Légale du service d’Anatomopathologie du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Treichville (Abidjan. Si plusieurs cas de suicide ont été relayés par la presse ces derniers jours, ce problème de santé publique reste tabou. Comment le prévenir ? Quelle est le rôle du psychologue? En quoi consiste votre travail de neuropsychologue? Entretien avec Yasmine Mouaine, Psychologue Clinicienne, spécialisée en Neuropsychologie.
Alléluia-Event : Présentez-vous à nos lecteurs et internautes ? (Parcours professionnel et universitaire si possible) ?
Yasmine Mouaine : Je m’appelle Yasmine Mouaine, et exerce le métier de Psychologue Clinicienne, spécialisée en Neuropsychologie. Le parcours universitaire menant à ce métier réunit cinq années d’études, s’achevant à l’issue du Master 2. Les années de Master permettent aux étudiants de choisir l’orientation qu’ils souhaitent donner à leur pratique (neuropsychologie, psychanalyse etc.).
Alléluia-Event : En quoi consiste votre travail de neuropsychologue ?
Yasmine Mouaine : La neuropsychologie est une discipline scientifique, appartenant au champ de la psychologie. Elle consiste en l’évaluation de la nature, et l’importance de dysfonctions cérébrales (langage, mémoire, attention etc.) L’évaluation est basée sur un entretien, ainsi que la passation de tests neuropsychologiques. Chez l’enfant ayant des difficultés d’apprentissage à l’école par exemple, le bilan permet d’en déterminer l’origine (difficulté de concentration, dyslexie, TDAH etc.) Chez la personne âgée se plaignant de troubles de mémoire, le bilan peut par exemple participer au diagnostic de maladies neurodégénératives (Exemple : Alzheimer).
Alléluia-Event : Vous êtes établi en Côte d’ivoire depuis quelques temps, Dites-nous qui vous consulte généralement et pourquoi ?
Yasmine Mouaine : L’exercice du métier de Psychologue – Neuropsychologue requiert de s’adapter à la réalité du terrain (représentation du psychologue, cultures etc.)
D’un point de vue sociologique, toutes les communautés d’Abidjan sont représentées par la patientèle. Je reçois les enfants & adolescents, tout comme les adultes et les personnes âgées. Les hommes consultent généralement pour des troubles anxieux sévères (crises d’angoisse, tachycardies, phobies).
Les femmes ont des motifs de consultations plus variés (troubles dépressifs, troubles des conduites alimentaires etc.) Avec les adolescents, les problématiques sont plutôt axées sur les difficultés relationnelles, l’isolement et les mésententes familiales.
Alléluia-Event : À quoi ressemble une séance avec vous ?
Yasmine Mouaine : Contrairement à la représentation stéréotypée d’une consultation avec un psychologue, le thérapeute ne reste pas forcément silencieux. Il s’adapte aux besoins du patient. Au cours d’une séance, un patient peut manifester le besoin d’écoute et de compréhension / soutien.
Pour d’autres, il est plus difficile de s’exprimer. Le rôle du psychologue est de rassurer le patient, et de l’orienter à l’aide de questions ouvertes.
Notons qu’il n’existe pas un seul motif de consultation, ni le besoin de souffrir d’une maladie mentale pour consulter un professionnel. Dès lors qu’un questionnement entraîne un inconfort significatif chez un individu, il est légitime de demander l’avis d’un professionnel de santé mentale.
Alléluia-Event : L’on assiste à une vague de suicide en Côte d’Ivoire ? Le pays enregistre le 3ème taux le plus élevé de suicide en Afrique selon une étude de l’Unité de Médecine Légale du service d’Anatomopathologie du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Treichville (Abidjan). Quelle explication selon vous ?
Yasmine Mouaine : Majoritairement, et à tort, beaucoup d’entre nous pensent que le suicide traduit la volonté de mourir, ou qu’il s’agit d’un signe de lâcheté.
En réalité, le suicide est souvent l’ultime issue envisagée par un individu, lorsqu’il souffre intensément, et qu’aucune action (même des années plus tard), n’a su apaiser sa souffrance (Exemple : viol, décès d’un parent, traumatisme).
Certains facteurs peuvent intensifier la souffrance, et augmenter le risque suicidaire. Imaginons une jeune fille victime de viol, issue d’une famille où le sujet se veut tabou, et la préservation de l’image familiale importante.
La victime en se privant de dénoncer l’acte subit, par peur de détruire la cohésion familiale, risque de se sentir coupable, et de renforcer la violence du choc (isolement, agressivité, peur intense, dépression & risque suicidaire élevé).
Alléluia-Event : En Côte d’Ivoire, ce problème de santé publique demeure tabou malgré un taux parmi les plus élevés au monde. En effet, le pays se situe au 30ème rang mondial et au troisième rang africain. Comment peut-on prévenir cette multiplication de suicide ?
Yasmine Mouaine : Il est indispensable de normaliser l’importance de la santé mentale, et donc le recours aux soins psychologiques. Chacun d’entre nous peut traverser des périodes déstabilisantes ou désagréables dans sa vie. Si dans certains cas, cela a pu être géré, dans d’autres (exemple : épuisement), comme lors d’efforts physiques intenses, l’esprit se « déprime » ; en d’autres termes, il se relâche.
La consultation d’un psychologue, comme lorsque nous tombons malade (exemple : paludisme), doit être une option envisageable, sans porter le poids imaginaire d’un acte mal jugé ou tabou.
Lorsqu’un individu accumule « des coups durs », il doit s’autoriser à communiquer avec un professionnel de santé mentale. Se sentir compris, et orienté vers une meilleure compréhension de soi, des autres, de ses croyances, de ses blocages, et blessures (…) peut éviter le passage à l’acte.
Alléluia-Event : Merci de nous partager vos contacts pour les éventuelles sollicitations ?
Yasmine Mouaine : Je reçois au cabinet, en Zone 4, sur rendez-vous, du lundi au vendredi, de 9h00 à 18h30. La prise de rendez-vous se fait auprès de moi-même, par WhatsApp ou téléphone : +2250172569090 …Pour les patients ne souhaitant pas se déplacer, ou à l’étranger / en dehors d’Abidjan, la consultation vidéo est disponible.
Entretien réalisé par Jean Richard N’Gue-khan