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Abidjan - Cocody 2 Plateaux les Vallons - Côte d'Ivoire

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À 233 km d’Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire se dresse fièrement Dimbokro, la ville historique et capitale de la région du N’zi (Centre de la Côte d’Ivoire). Au cœur de la belle “cité du bonheur partagé et du soleil radieux”, se trouve un trésor. L’orphelinat “Sauvés pour Servir ” qui compte aujourd’hui 22 pensionnaires. Séparée de sa mère à l’âge de 3 ans et orpheline de père à 16 ans , Ahoussou Aya Brigitte épouse Yao (mère de 5 enfants), a dès l’âge de 7 ans mûri l’idée de créer un orphelinat afin de voler aux secours des orphelins. Une ambition de la petite Brigitte qui devient une réalité avec le soutien de son époux Yao Amani Dominique. Dans cette interview exclusive, le couple YAO met en lumière les dures réalités dans cette noble et exaltante mission. Il ne manque pas d’évoquer ses soutiens, ses besoins mais surtout son plus grand rêve dans ce qu’est devenu un sacerdoce.

Comment est venue l’idée de créer cet orphelinat ?

Depuis mon enfance, j’ai eu à cœur de créer cette maison. À l’âge de 7 ans, j’avais déjà mûri cette idée. Quand je grandirais, je créerai cet orphelinat pour venir en aide aux enfants qui souffrent si Dieu me donnait les moyens. Parce que moi-même j’ai été séparée de ma mère à l’âge de 3 ans et j’ai perdu mon père à 16 ans. J’ai toujours eu cette idée dans mon fort intérieur. Je pensais parfois à la réalisation de ce projet en pleurant.

Pour moi avoir quelque chose à cœur et avoir une idée sont deux choses différentes. En effet, quelque chose peut traverser ton esprit et disparaître. Mais lorsque tu as quelque chose en cœur, cette chose vit en toi et l’on vit la chose déjà. Et la création de cet orphelinat, je l’ai vraiment eu à cœur. Un enfant ne décide pas de naître. Lorsqu’une femme porte une grossesse pendant 9 mois et en voulant donner une autre vie, elle perd la vie, elle ne peut plus voir son enfant et jouer avec lui. Il est donc normal que nous venions en aide à ces enfants orphelins dès la naissance. Je pense que les orphelins ont le droit d’être assistés, d’être aimés. Ils ont le droit de vivre heureux. C’est cette somme de raisons qui m’a motivée à créer cet orphelinat. A l’âge de 16 ans, ce feu qui était en moi a commencé à prendre beaucoup d’ampleur quand je suis allée dans le village de ma mère. Et dans cette partie de la Côte d’Ivoire, la coutume disait que si la jeune fille n’avait pas été lavée (sorte de rite pratiqué pour accorder à la jeune fille le droit d’avoir des rapports sexuels avec un homme), elle ne devait pas avoir d’enfants. Si elle en concevait par la force des choses, l’enfant lui était arraché. Dans les anciens temps, cette jeune mère n’avait pas le droit d’allaiter son bébé et il mourrait ensuite. Ma tante et l’une de mes cousines ont été victimes de cette pratique rétrograde. Et cela m’a bouleversée au point de réveiller quelque chose qui sommeillait en moi. Aujourd’hui pour matérialiser cet amour pour les enfants et notre rêve de les voir réussir comme tous les autres, nous accueillons les enfants abandonnés, orphelins et les enfants vivant dans l’extrême pauvreté.

Avec vos maigres moyens, comment vous vous prenez pour faire face aux nombreuses dépenses ?

Nous vivons uniquement de dons. Mais il y a des moments où la situation est fort difficile. Et dans ces moment-là, je me demande si j’ai fait le bon choix de créer cette maison. Et beaucoup de questions inondent mon esprit. Mais lorsque je réunis les enfants pour prier, jusqu’au soir, quelqu’un vient frapper au portail pour nous combler. Ce qui est étonnant, c’est que parfois quand les enfants demandent des chaussures et des vêtements, sans connaître leurs pointures et leurs tailles, le don des bienfaiteurs correspondent. C’est de ces merveilles divines et de cette manne providentielle que nous vivons. Nous avons également des personnes qui nous soutiennent quelque fois quand elles en ont la possibilité. Il faut également citer certaines églises, qui une ou deux fois par an, nous soutiennent. Nous avons notre pasteur, notre père spirituel qui nous soutient avec ses maigres moyens. Et il ne nous a jamais abandonnés.

À combien évaluez-vous vos dépenses mensuelles ?

Pour ce qui est des dépenses mensuelles, il faut dire que le loyer nous revient à 100.000 FCFA. La nourriture des enfants et le déplacement s’élèvent à plus de 500.000 FCFA. Il faut dire que les déplacements de nos enfants nous reviennent chers parce que l’orphelinat ne dispose pas de véhicule. À cela, il faut ajouter les factures d’électricité à hauteur de 40.000 FCFA sans oublier l’eau qui s’élève à 30.000 FCFA. Nous tournons à plus de 700.000 FCFA de dépenses le mois.

Quels sont les critères ou les priorités dans le choix des enfants à prendre en charge ?

Notre premier critère pour accueillir un enfant est qu’il soit orphelin de père ou de mère et des deux à la fois s’il se trouve. Il faut nécessairement que l’enfant ait un carnet de santé qui atteste que la mère a été suivie au moins une fois à l’hôpital pendant la grossesse. Avec le carnet de santé, nous pouvons établir l’extrait de naissance des bébés. Pour les enfants qui arrivent sans extrait de naissance, nous demandons aux parents de les établir. Ce qu’on appelle les requêtes d’extraits de naissance. Voici ainsi déclinées les conditions pour être accueilli dans notre orphelinat. Aussi faut-il souligner qu’une fois, notre orphelinat est sollicité, nous informons le centre social, le ministère de la Famille, de la femme et de l’enfant, sans oublier la justice. C’est avec l’accord de toutes ces entités que l’enfant est définitivement accueilli dans notre maison. Aucun enfant n’est accueilli si toutes ces démarches ne sont pas faites.

Aujourd’hui qui parle d’enfants touche un domaine assez sensible. Avez-vous pris des dispositions administratives et judiciaires pour vous mettre à l’abri de surprises désagréables ?

Nous avons aujourd’hui la lettre de dépôt et de déclaration. Nous nous faisons accompagner par le centre social de Dimbokro, la direction du ministère de la Femme, de la famille et de l’enfant de Dimbokro. À ce jour au niveau d’Abidjan, nous n’attendons que la publication de notre nom dans le journal officiel de l’Etat de Côte d’Ivoire et notre agrément.

Pouvez-vous nous raconter quelques histoires poignantes de vos enfants ?

Dans notre maison, nous avons des jumeaux orphelins de mère. Dans le village où ils sont nés, il y a des interdits. Lorsqu’une femme est enceinte, elle ne doit pas donner vie à des jumeaux dans le village. Malheureusement, la mère des jumeaux est décédée après leur naissance. Il y a un deuxième enfant qui est également une victime de nos coutumes. Sa mère qui avait perdu son mari a refusé de faire le veuvage et a donc été contrainte d’avoir des rapports sexuels une nuit avec un homme comme le prescrivait la coutume. Après cette seule nuit voulue par la tradition, la femme est tombée enceinte et a accouché quelques mois plus tard de l’enfant. Mais après l’accouchement, elle est tombée malade et a rendu l’âme quand l’enfant avait un an. La mère souffrante de tuberculose avait contaminé l’enfant avant son décès. Ce ne fut pas facile de la prendre la décision de l’accueillir. Et en pleine interrogation, une voix audible me dit « Brigitte va chercher l’enfant » un matin pendant que je balayais. Après s’être fait entendre une deuxième fois, la voix a retenti une troisième fois plus insistante et menaçante. « Brigitte va prendre cet enfant. Si tu le laisses, il va mourir. Est-ce que si cet enfant était le tien, parce qu’il est atteint de tuberculose, tu allais l’abandonner ? Je ne voyais pas qui me parlait et j’étais la seule à entendre cette voix. C’est ainsi que je me suis rendu au chevet de l’enfant. Il était nu et couché sur des chiffons avec de grosses mouches vertes sur lui. Son ventre était ballonné, ses pieds étaient enflés. C’est dans cet état piteux et difficilement supportable pour bien d’âmes sensibles que je l’ai envoyé chez un médecin. Aujourd’hui, cet enfant va très bien et est inscrit à l’école. Nous disons merci à Dieu pour ce miracle et un grand merci à ce médecin qui pris sur lui la décision de nous aider. Le troisième enfant que je présente est issu d’un village où les femmes enceintes étaient interdites d’y accoucher. C’est-à-dire vous pouvez être du village et contracter une grossesse. Mais quand vous êtes à terme, vous devez aller ailleurs pour accoucher. C’était la coutume du village.

La mère de cet enfant a décidé d’enfreindre les règles et donner vie à sa fille dans son village. Avant même d’accoucher, elle avait de gros soucis avec sa tension artérielle et un mois après l’accouchement, elle est morte. La petite est orpheline de père et de mère. Mais aujourd’hui, la défunte mère est devenue une héroïne. Car depuis son décès, les femmes accouchent dans ce village et il y a même un centre de santé avec des sages-femmes. Nous avons également une fille abandonnée à seulement deux jours après sa venue au monde. Elle est aujourd’hui en classe de CP2. Dernière de la fratrie, elle ressemblait trait pour trait à sa génitrice. Et après son accouchement, sa mère est passée de vie à trépas. La petite a donc été accusée d’être à l’origine de la mort de sa mère. Son propre père qui avait du mal à accepter le décès son épouse a abandonné sa fille.

Il y a quelques jours, le préfet de Région du N’Zi, Préfet du département de Dimbokro vous a rendus visite. Comment avez-vous vécu ce moment forcément mémorable ?

La visite du préfet de Région du N’Zi, préfet du département de Dimbokro M. Coulibaly Lamine accompagné du Sous-préfet, du Secrétaire général de la Préfecture, du Directeur régional du ministère de la Femme, de la famille et de l’enfant a suscité une grande joie chez nous les responsables et surtout chez les enfants. Savoir que les plus grandes autorités étatiques de la région s’intéressent au travail que nous faisons, nous va droit au cœur. Cela même si nous ne menons pas cette noble mission avec cette idée derrière la tête. Mais quand les enfants un peu particuliers se sentent honorés, c’est une immense source de bonheur pour nous. Je voudrais dire merci à ce Monsieur au grand cœur qu’est le Gouverneur Coulibaly Lamine. J’ai vu en lui un père. Ses sages conseils qu’il nous a prodigués et toutes ses orientations nous vont droit au cœur. Il a été très profond dans ses dires. Et moi qui vit depuis l’âge de 16 ans sans mon père, j’ai vraiment vu en lui les qualités de mon père. Un père aimant et qui adore les orphelins. Et monsieur le Gouverneur aime énormément les orphelins. Sa visite nous a soulagés et motivés. J’ai eu le sentiment d’avoir mon père auprès de moi quoiqu’il soit mort. J’ai eu l’image de cet enfant qui est quelque part en train de travailler et qui reçoit la visite de son père pour l’encourager et booster son moral. Quelle grâce et quelle joie ! Ce fut un moment rempli d’émotions pour nous et les enfants.

Quelques jours après le préfet, le CNO-CIV est venu faire des dons à la faveur de la première édition du FESPOL. Quelle réaction après ce moment riche en émotions ?

L’émotion était à son comble lors du passage du Comité national olympique Cote d’Ivoire (CNO-CIV) marqué par cet important don. Nous pensions que cette institution qui est la faîtière des fédérations Olympiques ne gérait que le sport. Nous ne savions pas que le CNO-CIV avait un pan porté sur l’action sociale surtout en faveur des orphelins. Nous et les enfants avons agréablement été surpris. Et cela nous a fait un bien fou. C’est la première fois que nous recevons un don du CNO-CIV et nous en sommes heureux. Je voudrais donc témoigner mon infinie gratitude au président Georges NGOAN et à tous ses collaborateurs. Nous et les enfants porteront chaque jour le CNO-CIV en prière afin que la Côte d’Ivoire rayonne sur la scène internationale à travers les fédérations olympiques. Nous profitons pour dire infiniment merci à Mme Kouassi, la Directrice Régionale des sports de Dimbokro, qui a créé les conditions pour toutes les visites de nos autorités et tous ces dons. Que Dieu la bénisse abondamment !

Quels sont aujourd’hui vos besoins pour offrir le meilleur aux enfants ?

Nous avons besoin d’un grand terrain pour bâtir un grand orphelinat et une grande maison pour accueillir le maximum d’enfants orphelins. La maison de 5 pièces que nous avons aujourd’hui est devenue trop exiguë pour les 22 pensionnaires. Nous sommes même obligés de refuser de nouveaux enfants. Nous avons plusieurs projets. Nous ne nous occupons pas que des orphelins. Nous venons en aide aux veuves et aux jeunes filles déscolarisées sans oublier les jeunes garçons. Nous en avons un qui a fini sa formation et cette année deux ou trois vont apprendre un métier.

Quels sont vos plus grands rêves pour cet orphelinat ?

Notre plus grand rêve, c’est de bâtir l’orphelinat avec des maisons destinées aux jeunes filles déscolarisées qui pourront apprendre un métier.

Avez-vous un appel à lancer ?

Nous lançons un appel à toutes les bonnes volontés. Nous vous demandons de nous venir en aide. Nous vous prions de voler aux secours de nos enfants qui n’ont pas demandé à naître orphelins ou orphelines. Nous vous sollicitons afin de nous aider à acquérir ce grand terrain qui nous permettra de bâtir notre orphelinat. Nous ne disposons pas de moyens pour acquérir le terrain et construire notre orphelinat. Votre soutien nous aidera à relever ce gros défi pour le bonheur des enfants et de tous. Nous souhaitons avoir une plus grande maison en vue d’aider davantage de personnes dans le besoin. Nous avons également besoin de vivres c’est à dire du riz, du lait, de l’huile et autres pour assurer le repas quotidien des enfants.

Réalisée par Michaël KOUAKOU
kofilebeni@gmail.com

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