La prise en charge psychosociale des Personnes Déplacées Internes liées au terrorisme au Burkina Faso afin d’éviter la psycho-somatisation du conflit qui peut engendrer plusieurs maladies est le projet lancé depuis le 1er juillet 2023 par la conférence épiscopale Burkina-Niger. 300 personnes ont déjà bénéficié des soins dans les villes de Koudougou et Réo où a commencé cette initiative.
La crise sécuritaire liée au terrorisme que traversent les pays sahéliens provoque des déplacements massifs des populations à l’intérieur comme à l’extérieur de ces Etats. Pour le seul cas du Burkina Faso, l’Initiative Paix au Sahel rapporte un total de 2,06 millions de personnes déplacées internes (PDI) enregistrées par le Secrétariat permanent du Conseil National de Secours d’urgence et de Réhabilitation (CONASUR), à la date du 31 mars 2023. En plus des nombreuses pertes qu’elles subissent, ces PDI développent parfois des sérieux troubles psychologiques qui nécessitent une prise en charge. C’est dans ce cadre que la Conférence épiscopale Burkina-Niger a lancé cette initiative de prise en charge psychosociale des Personnes Déplacées Internes liées au terrorisme au Burkina Faso.
Eviter la psycho-somatisation des traumatismes liés au terrorisme
Dans une interview accordée à Vatican News, le psychologue burkinabè Aloys Kaboré, qui coordonne ce projet, a souligné que l’objectif est d’éviter la psycho-somatisation du conflit liée aux attaques terroristes que subissent les PDI. Il s’agit, a-t-il expliqué, d’empêcher que le traumatisme causé ne se convertisse en maladie, car les conflits intérieurs mal soignés peuvent davantage fragiliser la personne et prolonger sa souffrance. Pour les évêques, a-t-il poursuivi, le souci est celui de prendre en charge «tout l’être». Puisque «le terrorisme nous a vraiment humiliés», l’Eglise veut «restituer l’homme, créé à l’image de Dieu, dans sa dignité d’enfant de Dieu que le terrorisme a enlevé», a souligné le docteur Kaboré.
La cible privilégiée de ce projet sont les femmes, les enfants et les personnes âgées vivant dans des camps des déplacés. Ces trois catégories de personnes sont les plus exposées aux attaques et à d’autres formes de dangers connexes, a expliqué le psychologue.
Réagir aux rechutes
Lancé le 1er juillet 2023, le projet de prise en charge psychosociale des Personnes Déplacées Internes liées au terrorisme au Burkina Faso, qui doit se poursuivre jusque fin septembre, vise 1 million de personnes. La première phase, a indiqué le docteur Kaboré, a pris le 15 août, en la solennité de l’Assomption de la Vierge Marie. Au cours de cette première étape, 300 personnes ont bénéficié des soins et d’accompagnements psychosomatiques et psychologiques. Pour le moment, cette initiative est dans «la phase d’observation». Les membres des équipes d’accompagnement réagissent aux rechutes dues à la continuité des attaques. Certains PDI, déjà soignées, peuvent par exemple rechuter lorsqu’un parent est coincé dans un endroit attaqué par les terroristes, a indiqué le psychologue burkinabè.
Il faut plus de moyens pour prendre en charge les PDI
Avant de se lancer dans ce projet, les évêques avaient commandé une étude cartographique du traumatisme au Burkina Faso. Après cette exploration, les prélats ont décidé de commencer par le diocèse de Koudougou, plus précisément par les villes de Koudougou et Réo, qui s’adaptaient mieux aux moyens mis à la disposition des équipes des accompagnateurs, surtout par rapport à la situation géographique, étant situées dans la région Centre-Ouest du Burkina Faso. L’initiative s’est pour le moment limitée à ces deux sites par manque de moyens pour l’étendre à d’autres endroits, a déclaré le docteur Kaboré. Les PDI pris en charge viennent essentiellement du Nord du pays, très touché par le terrorisme, mais aussi des régions Est, Ouest et le Centre.
Après la prise en charge, certains PDI regagnent leurs maisons, d’autres sont réinstallés dans leurs villages, mais d’autres aussi retournent dans les camps. Mais l’afflux continue vers les camps des déplacés, car les attaques terroristes endeuillent presque chaque jour le Burkina Faso, une souffrance qualifiée d’infernale par le psychologue, qui espère une solution durable à ce fléau.
L’aspect psychologique est capital dans la restauration de la dignité humaine
Pour le coordinateur du projet de prise en charge psychosociale des Personnes Déplacées Internes liées au terrorisme au Burkina Faso, l’aide à apporter aux PDI ne doit pas seulement être alimentaire ou humanitaire. Il estime que «l’aspect psychologique est malheureusement souvent très ignoré… alors qu’il est très capital». Il appelle à mettre beaucoup de moyens afin de toucher un grand nombre de personnes sur le plan psychologique. Il souhaite aussi qu’il y ait beaucoup d’initiatives qui puissent aider à mettre fin à «ce terrorisme qui nous endeuille, qui nous humilie et qui enlève notre dignité», pour que le Burkina Faso retrouve sa quiétude. Il remercie l’organisation caritative américaine Catholic Releaf Services qui finance une partie de ce projet et l’Initiative Paix au Sahel qui travaille à sa matérialisation.
Lancé en novembre 2019 par les évêques du Sahel, l’Initiative Paix au Sahel/Sahel Peace Initiative (IPS), a pour but d’obtenir des niveaux plus élevés de paix, de cohésion sociale et de résilience. L’IPS vise trois objectifs stratégiques: l’amélioration des réponses humanitaires; la mobilisation accrue des ressources pour soutenir la paix au Sahel; l’augmentation de la résilience communautaire et de la cohésion sociale.
V.N