Elle ne l’était que dans un pays sur cinq il y a deux ans, selon le dernier rapport de l’Aide à l’Église en Détresse (AED). L’ONG déplore notamment les effets néfastes de la pandémie.
La liberté religieuse est menacée dans le monde, selon le dernier rapport de l’Aide à l’Église en Détresse, publié mardi 20 avril. Deux tiers de la population mondiale vit dans un pays où la liberté est bafouée. Cette quinzième édition d’un rapport publié tous les deux ans, dont la dernière a été reportée de quatre mois en raison de la pandémie, propose un panorama de la situation entre les mois d’août 2018 et décembre 2020.
Le rapport 2021 sur la liberté religieuse pointe des «violations notoires» de ce droit fondamental dans 62 pays parmi les 196 étudiés – soit un pays sur trois, contre un sur cinq lors de la précédente édition de 2018. Parmi ces pays, 26 sont répertoriés au titre de persécution, et 36 au titre de discrimination. «À la lecture de ce rapport, nous pouvons constater combien l’imagination humaine semble sans limite, hélas, pour faire obstacle à la liberté religieuse, avance Benoît de Blanpré directeur de l’AED. L’actualité nous rapporte sans cesse tous ces lieux dans le monde où vivre et exprimer sa foi représente une menace».
L’AED publie sur son site internet des fiches pays par pays, répertoriant statistiques, focus juridique et description des persécutions et discrimination religieuses observées. Elle a identifié trois tendances majeures qui suscitent son inquiétude : l’islamisme au Sahel, les phénomènes de boucs émissaires liés à la pandémie de coronavirus, et le «suprématisme ethno-religieux», comme en Inde, au Sri Lanka, en Birmanie ou au Pakistan.
«L’épidémie amplifie les conflits religieux et régionaux déjà existants», note le rapport. La liberté religieuse n’échappe pas au Covid-19, qui dégrade la situation dans les pays où elle était déjà menacée. L’AED observe des situations de «boucs émissaires» , pour lesquels les préjugés religieux sont les supports tout trouvés. «Des Iraniens pointent les juifs comme responsables de la crise sanitaire. En Inde, les accusations visent les minorités musulmanes, tandis qu’en Chine ou en Turquie, les chrétiens cristallisent les griefs», note ainsi le rapport.
L’AED prend l’exemple du Pakistan, pays où la liberté religieuse est d’ordinaire durement éprouvée. Dans certaines villes, l’accès aux soins ou à la nourriture est conditionné à la conversion à l’islam, et des jeunes filles sont l’objet de violences et de conversions forcées. «Les enlèvements et mariages forcés de jeunes chrétiennes ou hindoues, obligées de se convertir, ont encore augmenté ces derniers temps, ainsi que les fausses accusations de blasphèmes, rapporte le père Channan, directeur du Centre pour la paix à Lahore. Par ses conséquences sur l’emploi et la santé, le Covid a accru les frustrations et intensifié les pressions sur les minorités religieuses».
Au Sahel, la menace islamiste persiste
Dans son rapport, l’AED consacre un large focus sur le Sahel, où la menace djihadiste s’étend, malgré une intervention française qui dure depuis 2013. Cette vaste zone, qui s’étend de la Mauritanie au Soudan, couvre plus de 2000 kilomètres, et les groupes armés qui se revendiquent du djihad sont aussi nombreux que variés.
Dans son rapport, l’AED souligne l’intensification des attaques contre les populations chrétiennes. Elle cite le cas d’une attaque au Burkina Faso en mai 2020 qui a coûté la vie à quatre personnes dans une procession chrétienne. L’AED cite le chercheur Olivier Hanne, auteur de l’ouvrage Jihad au Sahel : «Après avoir étendu leur emprise sur le Sahara musulman, les lieux où chrétiens et musulmans vivent côte à côte seront la prochaine cible.»
L’AED note que la menace s’étend. Elle attire l’attention sur d’autres pays africains plus au sud, notamment en République démocratique du Congo et au Mozambique, où les groupes djihadistes se revendiquant de Daech effectuent des poussées significatives, compromettant encore plus la liberté religieuse sur les territoires qu’ils contrôlent.
Le Figaro