Israël et le Maroc, qui ont annoncé jeudi la reprise de leurs relations diplomatiques, ont à leur actif plus de 60 ans de coopération secrète, notamment en matière de renseignement, de sécurité et de diplomatie.
Dans le cadre de cette collaboration, l’État hébreu a aidé le Maroc a faire l’acquisition de matériel militaire de pointe et d’armes et a également contribué au développement de leur savoir-faire. Jérusalem aurait également aidé Rabat à assassiner un chef de l’opposition.
Parallèlement, ce pays d’Afrique du Nord a permis l’émigration massive de Juifs marocains vers Israël, aurait aidé Israël à remporter la guerre des Six jours de 1967, a contribué au processus de paix israélo-égyptien et aurait tenté, sans succès, d’aider le Mossad à tuer Oussama ben Laden avant les attaques terroristes du 11 septembre 2001.
Certains détails de ces liens secrets sont connus depuis des décennies, tandis que d’autres n’ont été révélés qu’au cours des dernières années.
Vous trouverez ci-dessous quelques événements majeurs, ou présumés, concernant les liens entre les deux pays :
1961 – Après que le Maroc a interdit l’émigration des Juifs en 1959, l’accession au trône du roi Hassan II permet un accord entre lui et le Premier ministre israélien David Ben-Gourion pour qu’Israël rémunère le Maroc pour chaque Juif que Rabat autorise à quitter le pays et à venir en Israël. C’est le début de l’opération Yachin.Des soldats de réserve acclamant le Premier ministre Levi Eshkol et le ministre sans portefeuille Menachem Begin dans le Sinaï, à la fin de la guerre des Six jours, en juin 1967. (GPO)
En échange, Israël aurait livré des armes au Maroc et aurait assuré une formation de ses forces de sécurité et concernant ses opérations de renseignement.
1965 — Hassan II permet au Mossad de mettre sur écoute les salles de réunions et les chambres privées des leaders arabes en séjour dans le pays. Jérusalem reçoit alors des informations déterminantes qui auraient aidé l’État juif à déjouer une attaque simultanée de trois armées arabes, deux ans plus tard, et à les vaincre en six jours seulement. Les enregistrements ne révèlent pas seulement la division qui règne dans les rangs arabes – des disputes animées éclatent, par exemple, entre le président égyptien Gamal Abdel-Nasser et le roi Hussein de Jordanie – mais aussi que les nations arabes sont mal préparées à la guerre. Ces détails ont été révélés en 2016 par le général de division Shlomo Gazit, ancien dirigeant des renseignements militaires, au cours d’un entretien accordé au journal Yedioth Ahronoth
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Mehdi Ben Barka. (Crédit : Archives nationales néerlandaises)
Selon Ronen Bergman, journaliste d’investigation et analyste militaire pour le Yedioth Ahronoth et le New York Times, le Maroc a demandé seulement un mois plus tard qu’Israël lui rende la pareille en aidant Rabat à retrouver Mehdi Ben Barka, un dissident politique qui se trouvait alors en France et qui était considéré comme le chef de l’opposition. L’État juif avait précédemment averti Hassan II d’un complot ourdi par Ben Barka visant à le renverser – un plan auquel le dissident avait demandé au Mossad de prendre part. À la place, le Mossad a aidé le roi à localiser Ben Barka et à l’attirer à Paris, où les agents marocains l’ont tué après l’avoir torturé. Selon certaines versions de l’incident, les agents du Mossad ont disposé de la dépouille, qui n’a jamais été retrouvée.
Bergman a révélé ces détails dans un livre publié en 2018 consacré à l’histoire des assassinats ciblés en Israël. L’auteur a par ailleurs publié jeudi un article dans le New York Times résumant les liens entretenus secrètement entre le Maroc et Israël.
1977 — Le gouvernement marocain a eu un rôle essentiel en coulisses dans les pourparlers de paix entre l’État juif et l’Egypte, Rabat abritant des rencontres secrètes entre les conseillers du Premier ministre Menachem Begin et le président égyptien Anwar Sadat. Ces pourparlers se sont achevés par le tout premier accord de paix conclu entre l’État juif et un État arabe et a conduit Jérusalem à persuader Washington d’offrir une aide militaire au Maroc, selon Bergman.
Oussama ben Laden lors d’une conférence de presse à Khost, en Afghanistan, en 1998 – une photo rendue publique le 19 mars 2014. (Crédit : AP Photo/Mazhar Ali Khan, File)
1995 — Les renseignements marocains se sont efforcés – en vain – d’aider le Mossad à assassiner Oussama Ben Laden, le leader d’Al-Qaida qui deviendrait le cerveau des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, indique Bergman. Le Mossad tente alors de recruter le secrétaire marocain de Ben Laden pour pouvoir le localiser, mais échoue à le faire. Certains détails de l’opération ont été publiés par le Yedioth Ahronoth en 2006.
Time Of Israël.